pour infos, cette nouvelle a obtenue le premier prix du département de la Loire, catégorie classe de seconde au prix de Guy de Maupassant organisé par l'AMOPA ^^ voila, c t un ptite infos :D
5 janvier, 22h00 :
Que
de souvenirs présents autour de moi ! J'ai enfin retrouvé le vieux
manoir que j'avais dû quitter à mes dix-sept ans lors de mon départ
pour Marseille. Ce changement m'avait alors complètement bouleversé, le
climat de ma Bretagne natale me berçait alors que ce climat
méditerranéen m'étouffait, m'oppressait. Mes tremblements reprenaient
toujours quand je voulais peindre...c'était d'ailleurs l'une des
raisons de mon retour mais aussi de la fin de ma carrière de peintre
qui aurait pu durer encore plusieurs années.
Demain, je compte
bien retrouver mes affaires que j'ai laissées. Tous les objets
m'appartenant ont été placés au dernier niveau de mon manoir de quatre
étages.
Il commence à faire nuit, mes volets clos et la forêt de
conifères qui entoure mon habitation laissent passer les derniers
rayons du soleil couchant. Mon manoir s'engouffre dans l'ombre de cette
étendue d'arbres et plonge presque dans l'obscurité glaciale de la mer
d'où nous percevons le cri des vagues se déchirant et s'écrasant contre
la falaise.
Il se fait tard, la fatigue commence à m'emporter. En te souhaitant une agréable nuit, je monte me coucher, mon cher journal.
6 janvier, 17h00 :
Quelle
joie de retrouver tous ces souvenirs d'enfance ! Cela fait maintenant
trois décennies que je n'avais touché, senti ou même vu ces objets.
Tous m'étaient familiers, tous avaient une histoire, tous me
rappelaient des souvenirs. Des bons, comme le premier tableau peint de
mes mains, cette caisse pleine de jouets d'enfant ainsi que ce carton
avec tous les livres qui avaient bercé mon enfance. Des mauvais, comme
ce grand miroir brisé par la colère d'un père insatisfait ou bien ce
tableau percé par la jalousie d'un frère arrogant et sournois...En
repensant à toutes ces histoires qui me retournent le cœur, les
mouvements involontaires et agaçants de mes mains reprennent.
Cependant,
à l'instant même où mon regard fut interpellé par un objet qui m'était
complètement inconnu, les mouvements de mes mains s'estompèrent. Mon
regard était attiré par ce sublime tableau. Cette œuvre occupait un
grand espace vide des combles.
Mais d'où venait-il ? Aussi
magnifique soit-il, ce chef-d'œuvre m'était complètement inconnu,
inconnu à tous mes souvenirs, inconnu à tous mes rêves...Il n'était
point de moi, n'était point peint de mes mains. Je ne saurai expliquer
sa présence dans ce lieu. Il était d'un certain Di Vinho. « Ce tableau
peint avec finesse représente le manoir que je viens d'acquérir » me
dis-je. Le mystère du tableau n'enlevait rien à sa beauté, Di Vinho
avait sans aucun doute un réel talent, il avait sans doute connu son
heure de gloire. Le manoir s'enfonce dans une forêt qui a été peinte
avec des détails époustouflants, le relief est si parfait que l'on
croirait voir les feuilles danser un ballet avec le vent qui agite
furieusement et sauvagement les vagues. La toile est encadrée par un
bois assez sombre, il me semble que c'est du chêne.
Ce tableau,
je l'ai placé dans ma chambre, juste devant mon lit pour l'admirer
chaque jour à mon réveil et pour le goûter jusqu'au dernier instant où
je plongerai dans mon sommeil pour me fondre dans le clair-obscur de
l'œuvre. Il n'est que dix-sept heures trente mais je suis tellement
fatigué que je n'aurai pas la force de manger, je m'en vais tout de
suite me coucher.
7 janvier, 23h30 :
Incroyable
!...Impossible !...Inimaginable !...Improbable !...Mon cher
journal...La folie...elle s'est emparée de moi, de mon esprit...je ne
sais plus...cette nuit...il y a quelques minutes...il m'est arrivé une
chose incroyable...incompréhensible...le tableau...une lumière...un
homme...mon cœur...la peur.
Je vais essayer de me calmer...je te relaterai ce qui m'est arrivé cette nuit.
8 Janvier 1h00 (plus tard dans la nuit) :
La
lune était au plus haut de son ascension...j'avais eu du mal à
m'endormir mais malgré une grande fatigue, je continuais à
somnoler...je commençais à me plonger dans mon sommeil quand un bruit
retentit au fond de mon couloir, il était onze heures du soir
environ,...intrigué mais surtout apeuré, je me levai en sursaut de ma
couche. Pendant un court instant, je restai figé, là, au pied de mon
lit, ne sachant pas quoi faire.
Quand je repris mes esprits, je
m'approchai de la porte et passai devant le tableau. A cet instant, je
sentis comme des palpitations dans ma poitrine, mon souffle était
devenu très difficile. Haletant, je m'appuyais donc contre la console.
Mon
regard fut comme hypnotisé par le tableau trouvé dans la journée. Je
crus voir une étrange lumière couleur de feu dans les fenêtres peintes
sur la toile. Elle semblait se déplacer comme si un inconnu rôdait dans
la maison, dans les couloirs, dans les pièces. La lumière apparaissait,
disparaissait...Je ne saurais décrire son mouvement tellement il était
irrégulier. Je ne saurais dire si j'étais excité, nerveux, apeuré, je
ne me rappelle plus très bien. Les mots me manquent pour te décrire mes
sentiments, mes impressions. Malgré cette étrange vision, je décidai de
sortir de ma chambre pour apporter une réponse à l'origine du bruit.
Aurais-je dû rester dans mon lit ? Je le crois bien...Mes os se
glacèrent quand je me trouvai face à une immense silhouette. Dès
qu'elle me vit, cette tache noire apparaissant derrière sa lampe se
précipita vers la sortie et disparut dans les ténèbres de la forêt et
dans le cri des vagues.
Je ne pus me rendormir après cet
épisode, néanmoins la fatigue s'empare peu à peu de moi...je m'en vais
me reposer pour me remettre des émotions que la nuit m'a offertes.
8 janvier 21h30 :
Quelle
tempête ! Le vent glacé souffle dans toute la maison. La pluie
m'empêche de faire ma promenade dominicale. Seul dans mon manoir, je
décidai de faire un état des lieux pour voir les dégâts qu'avait causé
la tempête.
Quand je montai au grenier, j'aperçus une flaque
d'eau sale. La toiture avait souffert du vent et de la pluie
torrentielle qui avaient duré toute la nuit. Après avoir mis un vieux
seau rouillé pour recueillir l'eau qui tombait goutte à goutte, je
redescendis au second étage pour étudier plus précisément le tableau
posé sur mon bureau.
La folie m'aurait-elle une fois de plus
emporté ? Je le crains hélas...Quand je me trouvais face au tableau
posé à plat sur mon bureau...une fois de plus, je sentis une force
s'accaparer de moi, de mon esprit, de mon être, de mon âme...j'eus des
visions...et puis là, je vis sur la toiture peinte un filet d'eau...la
même odeur, la même couleur, la même texture que l'eau retrouvée au sol
dans les combles auparavant. Le plus surprenant était que la peinture
ne souffrait pas de cette eau...Au contraire, cela rendait le tableau
encore plus beau, encore plus magnifique. Cette eau n'était point
peinte, j'aurais pu la boire si je l'avais voulu. Cette eau qui
occupait à présent un plus grand espace ne cessa de grossir, de
noircir. A présent, ce liquide recouvrait l'ensemble de la toile...Pris
de panique et de peur, je m'empressai d'aller au grenier, mais à peine
étais-je arrivé au troisième étage que je vis un filet d'eau le long de
l'escalier qui donnait accès aux combles...l'eau devînt de plus en plus
sombre et de plus en plus tumultueuse...il était déjà très tard et je
me sentis emporté par cette étrange fatigue dont on ne peut se
libérer...mon dernier souvenir était la vision de cette dame ronde et
blanche régnant dans le ciel étoilé que je pouvais voir de la fenêtre,
allongé au sol, ne trouvant la force de rejoindre ma chambre....tout me
semble si irréel...est-ce un rêve ?...
9 janvier 11h00 :
Quel
étrange songe ! Le tableau...une flaque d'eau...le tableau...mon
imagination me joue encore des tours...Je suis monté au grenier pour me
rassurer mais tout me semblait normal. Le tableau toujours posé sur le
bureau me fascinait de plus en plus...après de longues recherches dans
ma bibliothèque j'appris enfin plus de choses sur ce tableau. Signé Di
Vinho, j'appris son origine méditerranéenne...ou bien...du
pacifique...dans tous les cas, ce portugais avait un réel talent et
maitrisait parfaitement l'art du clair-obscur, du relief mais surtout
celui du trompe l'œil. Je dus supporter mes tremblements durant tout le
temps de l'expertise du tableau. Mes mouvements incoordonnés ne
m'aidaient pas durant ma recherche, cependant, après des heures
d'études dans mes livres je retrouvai les traces de Di Vinho. Ce
peintre était donc du XVIIIème siècle, « né sur les rives du Douro dans
une ville nommée Villa Nova De Gaia, grande ville portuaire du nord du
Portugal, il serait issu d'une famille bourgeoise. Très vite il serait
tombé d'amour pour la peinture et se fit un nom dans le monde fermé des
grands peintres. Apres une invasion ennemie, il aurait tout perdu.
Contraint à vendre son dernier tableau pour pouvoir se nourrir, il
serait mort deux jours après dans de terribles souffrances d'une
maladie inconnue. La légende veut qu'en prononçant ses derniers mots,
il aurait maudit un tableau qui représentait un manoir, un grand manoir
pénétrant dans une forêt au bord d'une falaise se jetant dans une mer
déchaînée. » Voici les seules informations que j'ai pu trouver ;
cependant, celles-ci me suffisent pour savoir que je dispose d'un
tableau qui ne m'apportera que des malheurs, que de la souffrance...A
la suite de cette découverte, je me posai de nombreuses questions :
comment ce tableau a-t-il pu se retrouver dans ma résidence, alors que
rien ne me dit que ce Di Vihno ait voyagé en France ? Comment ce
tableau peut-il représenter mon manoir ? Et pourquoi est-ce que je
souffre de plus en plus en voyant ce tableau ? Je me souviens encore,
lorsque j'ai découvert cette œuvre, de la plénitude qui régnait dans
les combles...je me sentais si bien...
Mes tremblements reprennent rien qu'en pensant à ce chef d'œuvre maudit...rien qu'à cette soi-disant merveille...
Cette
peinture doit disparaitre, mais pas seulement de ma vue, elle doit
disparaître définitivement de ce monde ! Je dois la détruire avant
qu'elle ne me détruise !...Les flammes s'en occuperont, les flammes la
réduiront en cendres, elle finira comme mon corps quand mon heure
viendra.
9 janvier 00h00 :
Quel
soulagement ! Quelle sensation de légèreté ! Je me sens enfin libéré de
l'emprise du tableau ! Fin tragique pour une œuvre comme celle-ci,
mais, il le fallait bien...le feu est en train de la ronger petit à
petit...de la dévorer. Ce tableau finira en cendre...calciné...en
poussière...réduit à néant...mais...que se passe-t-il ?...Je m'en vais
vite...une étrange fumée épaisse et noire emplit le manoir...je me sens
asphyxié...la fumée...le feu...j'ai peur.
Commentaires
La fin est étrange, je me demande s'il ne lui est pas arrivé malheur. Mais c'est sans doute voulu ^^ C'était une bonne idée de le presenter comme un journal, c'est bien moins lourd que "le lendemain".